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Le petit cahier
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25 janvier 2020

La voie de l'innocence

C’est Gandhi qui a donné à l’Occident le mot « non-violence ». Ce mot, précise-t-il, « est un terme que j’ai dû forger afin de faire ressortir la signification étymologique de Ahimsa ». Ce mot sanskrit se retrouve dans les textes bouddhistes, jaïns et hindous. Il est composé par le préfixe négatif « a » et de « himsa » qui signifie la volonté de nuire, de faire violence à un être vivant. L’ahimsa est donc le fruit d’une volonté de renoncer à l’acte de violence qui est en l’homme et qui le conduit à exclure ou meurtrir l’autre.

« Aucun autre terme anglais, précise Gandhi, ne peut mieux exprimer tous les sens de l’Ahimsa que ne le fait le mot innocence. Ahimsa et innocence peuvent être considérées comme des termes semblables. » En effet, l’origine de ces deux mots est équivalente : innocent vient du latin « innocens » (in = sans, nocens = nuire). Ainsi l’innocence est-elle la qualité de celui qui ne se rend responsable d’aucune violence envers autrui et envers lui-même. Cependant, ce mot est perçu de nos jours comme une sorte de pureté suspecte de celui qui agit par ignorance ou par incapacité plutôt que par force d’esprit. La non-violence ne saurait être assimilée à cette innocence-là, mais cette modification de sens apportée à ce mot est révélatrice : comme si le fait de ne pas être violent révélait une sorte de faiblesse. Cette perception négative que nous avons du mot non-violence et qui domine notre culture est le fruit d’un conditionnement bien ancré selon lequel celui qui n’est pas violent n’est pas à la hauteur des exigences humaines… Or Gandhi, par le combat politique qu’il mène, redonne toute son importance à l’innocence et à la non-violence comme une seule et même qualité essentielle de l’être humain combatif par sagesse.

Et si le mot non-violence reste souvent incompris, c’est parce que notre propre rapport à violence est lui-même ambigu. Ce mot, en effet, nous questionne sur notre propre violence et sur le sens que nous donnons à notre existence. Ce questionnement peut nous désappointer car il nous amène à faire face à nos propres accointances avec la violence. C’est en nous questionnant que ce mot nous remet en question. En réfutant la non-violence, nous refusons l’exigence qu’elle nous demande et par laquelle nous réglons notre rapport au monde et à l’autre.

Le mot non-violence a précisément l’atout de nous amener à regarder en face les nombreuses ambivalences de la violence alors que nous sommes toujours tentés de les taire pour mieux les adopter. Nous devrions prendre conscience de l’énorme conditionnement socioculturel qui nous accable depuis des siècles et qui nous fait adhérer à l‘idée que la violence est une nécessité qui trouve légitimité dans le fantasme du héros qui, par son acte de violence, fait prévaloir la justice et la liberté. Tant que nous n’induirons pas une rupture avec ce schéma-là, la non-violence aura valeur de faiblesse et d’absence de courage.

Ce que Gandhi a montré dans son combat pour l’indépendance de l’Inde, c’est que si la violence vaut sans doute mieux que la lâcheté, la non-violence est de loin préférable à la violence.

J.C

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